Le marché français du Management de Transition

L’embellie pendant la crise sanitaire de 2020/2021, annoncée par beaucoup de cabinets trop optimistes, n’a pas eu lieu : le marché du Management de Transition a subi à cette époque la plus importante baisse d’activité de sa courte histoire. Aujourd'hui il a retrouvé son dynamisme d'avant la crise.

La solution anti-crise… en crise

Contrairement à ce qu’espérait la plupart des cabinets en 2020 et 2021, le Management de Transition ne s’est pas avéré une solution anti-crise universelle. C’est un paradoxe qui touche à l’ADN de notre métier : les professionnels de la crise et de la transformation n’ont pas tenu le rôle majeur auquel ils prétendaient.

Est-ce que cela remet en cause l’existence de notre métier ? Certainement pas. Sa résilience lui permet de se (re)positionner rapidement sur les vraies problématiques des entreprises, comme la pénurie de certaines ressources, les exigences RSE ou la réindustrialisation. Résilience parfaitement démontrée aujourd’hui dans un contexte porteur.

Cet article a fait l’objet d’une infographie par Marie Bucelle.

Volume du marché français

2017, 2018 et 2019 Croissance de 13,6 % par an. Source : Veille concurrentielle Inside Management + étude XERFI
Valeur en 2019 250 M€ (source : veille Inside Management, périmètre : cabinets pure players ou ayant une activité majoritaire en MdT)
       = 285 M€ (Source XERFI, marché français intermédié)
Evolution 2020/2019 -16% (Source Inside Management pour le marché)
      = -25% (estimation association parisienne FT pour son écosystème)
Evolution 2021/2020 +19% (Source Inside Management)
Valeur en 2020 210 M€ (Source Inside Management)
Valeur en 2021 250 M€ (Source Inside Management)
Projections 2022 (faites en 11/2022) +20% en volume à minima (Prévision Inside Management)
Première estimation 2023 sur 2022 +24% en volume (Source comptes publiés des cabinets)

Nombre de missions en France : 8 à 11 000 / an.

Notre estimation pour la partie intermédiée se base sur le volume global du marché, et sur les communications des cabinets référents pour la durée et le TJM moyen des missions. Le nombre de missions réalisé chaque année s’établirait ainsi aux environs de 3 à 5000 par an.

Les missions en direct sont plus difficiles à évaluer. Les moyennes (TJM, durées) diffusées par les Entreprises de Portage Salarial (EPS) sont inférieures à celles du Management de Transition, car elles englobent d’autres types de freelances. Plusieurs estimations concordantes de cabinets indépendants évoquent un marché des indépendants au moins équivalent à l’intermédié. On peut donc supposer un nombre de missions annuel de l’ordre de 5 à 6000.

Le nombre global de mission peut paraitre faible comparé au vivier de cadres disponibles sur le marché. C’est en partie vrai, mais à pondérer par les points suivants :

  • L’accroissement du marché en euros crée proportionnellement plus de missions, car l’essentiel du développement se fait vers les ETI, les PME et des fonctions en middle management,
  • Ceci à l’exception de certains secteurs en tension (fonctions industrielles aujourd’hui), dont la pression sur les TJM ne sera pas forcément durable,
  • Les intermissions sont comptabilisées comme des potentielles disponibilités, alors que les managers h/f installés dans le métier les gèrent par opportunité,
  • Enfin, et c’est surement le plus important : tous les cadres disponibles ne sont pas forcément faits pour le Management de Transition, et ne pourront pas persister dans cette voie.

Nombre d’acteurs

148 acteurs sont référencés dans la veille concurrentielle Inside Management, cette liste n’étant pas exhaustive pour les cabinets de conseil et les nouveaux acteurs 2022. Répartition par type de cabinet :

ORGANISATIONS REFERENCEES / VEILLE INSIDE MANAGEMENT 148
Dont : Pure players généralistes 44
Pure players spécialistes 14
Grands cabinets RH 7
Cabinets conseils RH 50
Associations 9
Plateformes 14
Nouveaux cabinets 2022 / 2021 à date 10

Lien vers la liste des cabinets du marché français.

Les indépendants : la face cachée du marché

Le nombre de managers indépendants est difficile à appréhender, en raison notamment de leur statut : portage salarial, contrat salarié, structure personnelle, entreprises tierces… Les périmètres des indépendants et des cabinets possèdent une intersection commune conséquente, ce sont les missions intermédiées.

Nous estimons par intuition que les indépendants représentent la 1ère force d’intervention en nombre, et la 2ème en chiffre d’affaires. Il n’existe aujourd’hui aucun moyen ni aucune statistique sérieuse sur le volume traité par les indépendants. Le chiffre de 155 M€ diffusé par l’association parisienne FT n’est justifié par aucun argument sérieux.

Localisation des cabinets (Sièges sociaux)

PARIS 52,2%
IDF 14,2%
AURA + LYON 16,4%
PAYS DE LA LOIRE 4,5%
HAUTS DE France 3,0%
PACA 3,0%
HORS France 2,2%
NVLLE AQUITAINE 2,2%
OCCITANIE 1,5%
GRAND EST 0,7%

La part des cabinets hors IDF continue sa croissance, au détriment des cabinets implantés à Paris. Pratiquement toutes les grandes régions françaises métropolitaines comptent au moins 1 cabinet spécialisé en Management de Transition.

Transparence et éthique

Seulement 19% des cabinets français opérant dans le Management de Transition publient leurs comptes annuels. Pour l’écosystème de l’association parisienne FT, ce chiffre descend à 8%.

On peut légitimement supposer que ceux qui cachent leurs comptes font pire que les pires des cabinets transparents. Dans leur cas la baisse de 16% en 2020 est très largement dépassée, c’est une moyenne. La confidentialité des comptes fait tache dans notre métier, surtout quand les mêmes cabinets prônent la transparence et l’éthique du métier.

Fédération Nationale

L’association parisienne France Transition revendique le titre de fédération depuis 11 ans. Elle représentait 21 entités juridiques en 2022, contre 25 en 2021 (1 nouvel adhérent et 5 départs). 3 cabinets font 90% du chiffre cumulé de l’association, 1 cabinet fait plus de 50%.

L’écosystème parisien de cette association compte une « fédération », un « label qualité », et une « formation » au MdT. Ses actions ne visent pas à fédérer, elles jouent le rôle d’un support commun de communication. Ce comportement explique pourquoi l’association a échoué à fédérer les acteurs du MdT depuis 15 ans.

International

La dimension internationale déclarée par les cabinets français est à considérer avec prudence. Les véritables cabinets internationaux sont rarissimes (5 au maximum en France + les grands cabinets de conseil internationaux). Pour des raisons historiques, les acteurs du Management de Transition sont souvent des structures implantées sur un périmètre national, ce qui ne les empêche pas de travailler pour le compte de client étrangers. C’est le cas chez Inside Management, qui facture chaque année entre 15 et 25 % de son CA à des clients étrangers (Europe et USA principalement).

2 ou 3 cabinets ont des actions et des interférences réelles et globales à l’international, avec des établissements à l’export, des réseaux internationaux et des partenaires. Cette organisation permet d’intervenir sur des sujets transversaux dans plusieurs entités d’un même Groupe. C’est d’autant plus pertinent en Europe, dont les pays membres possèdent une réglementation et une partie de leur culture en commun. C’est aussi utile dans les pays qui ont un flux économique important avec l’Europe, comme les USA ou l’Asie du Sud Est.

Il est encore impossible d’évaluer le volume généré directement par une présence internationale en propre. Comme pour tous les métiers du conseil, on peut évoluer dans les 2 modèles sans pour autant que l’un soit la finalité de l’autre.

 

Le marché français du Management de Transition reste dynamique, même si sa progression est en retrait de celle du conseil dans son ensemble. A condition de bien comprendre ses évolutions subtiles depuis 2020, il possède un potentiel de progression intact. L’écart avec nos voisins allemands et anglais (> 1,4 Md€) pourrait être partiellement comblé, sous l’impulsion d’une fédération française reconnue qui n’existe pas encore à ce jour.