Gestion de crise : 9 points clés

Les origines d’une crise peuvent être internes ou externes à l’entreprise, parfois les deux. Si le risque n’a pas été anticipé, l’avenir peut être compromis, parfois même sur le très court terme. Il n’existe évidemment pas de réponse toute prête, chaque situation étant un cas unique. Mais certains réflexes sont incontournables pour élaborer le bon plan de gestion de crise.

De multiples facteurs peuvent mener une entreprise à se retrouver en situation de “crise” :

  • La perte de gros clients,
  • La fermeture d’un marché,
  • Une crise sanitaire ou géopolitique,
  • Un accident géographique majeur,
  • Des démissions en cascade,
  • La vacance de fonctions clés,
  • Une acquisition contreproductive,
  • Un gros investissement retardé,
  • etc…

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1. Repérer les signaux d’alerte

Certains indicateurs doivent attirer l’attention, avant même que la crise soit déclarée :

  • Hausse de l’absentéisme,
  • Pertes de parts de marché,
  • Ambiance délétère,
  • Départ de fonctions clés,
  • Retards de règlements ou d’encaissements,
  • etc.

Tout faisceau de ressenti inhabituel doit être investigué, par l’analyse des indicateurs s’ils existent ou par instinct.

Reporting et signaux faibles

S’il est facile d’identifier des anomalies quand elles sont visibles dans les reportings, c’est plus insidieux lorsque la crise relève de l’humain (manager toxique, manque de compétences managériales, fronde). Cela ne doit pas être pris à la légère, au risque de déstabiliser l’équilibre global de l’entreprise (en particulier dans les petites structures). Une crise se résout rarement d’elle-même.

On ne peut pas en permanence contrôler l’ensemble des paramètres d’une entreprise, dans l’optique unique d’anticiper une crise éventuelle. Tout l’art du reporting est résumé ici : la pertinence et la régularité des paramètres contrôlés doit prévaloir sur la quantité. Les reportings sont souvent surchargés dans les grosses structures, ce qui annihile totalement leur vocation. Dans les PME / PMI c’est l’inverse, sauf que le dirigeant garde en tête de façon intuitive les 4 ou 5 paramètres vitaux pour sa structure.

Les signaux faibles doivent être interceptés, notamment par un contact terrain régulier, sans autre intention que de prendre le pouls des équipes. Paradoxalement, le télétravail pendant la crise sanitaire de 2020 a d’abord favorisé les rituels managers / collaborateurs. Ils ont découvert à cette occasion des gens qu’ils connaissaient mal, tout en les côtoyant au quotidien. Mais ce constat a vite montré ses limites lorsque le télétravail s’est transformé en relation 100% digitale, sans contact humain direct.

Chiffre d’affaires

Mal interprété, ou interprété seul, le chiffre d’affaires peut être trompeur : un CA en roue libre, sans accompagnement anticipé, peut devenir dramatique pour une structure non préparée. Le besoin en fonds de roulement va grandir, sans avoir forcément les capacités d’y subvenir. Les banques, les actionnaires ou les fonds d’investissement n’auront alors pas obligatoirement la volonté ni la possibilité de pourvoir aux besoins financiers.

Les crises de croissance sont moins médiatisées, mais elles sont aussi destructrices que les autres. Dans ces cas-là, on s’imagine que la levée de fond sera une simple formalité. Or notre retour d’expérience en gestion de crise démontre qu’il n’en est rien. La capacité de l’entreprise à lever des fonds dans une crise de croissance sera proportionnelle à l’image qu’elle a pu donner avant la crise. La plupart des startups ne franchissent pas le stade de la 2ème levée de fonds.

Capacités du management

Le fait d’avoir travaillé dans une entreprise en crise ne confère pas de prédisposition à la gestion de crise. C’est le rôle joué pendant la crise qui détermine une aptitude avérée. Tous les dirigeant.e.s et managers ne sont pas aptes à la gestion de crise en entreprise. Ce type de management possède ses propres codes, qu’il vaut mieux connaitre avant de piloter une cellule de crise. L’intérêt du Management de Transition réside dans sa capacité à piloter une cellule de crise, ou la crise en elle-même, avec des profils expérimentés.

2. Créer la cellule de crise

On parle de crise pour des sujets d’une gravité et d’une ampleur susceptibles de faire vaciller l’entreprise, pas pour des cas individuels qui doivent être traités comme tels.

La première disposition à prendre est de créer une cellule dédiée. Dans un grand groupe à forte notoriété, il s’agira d’une équipe de gestion restreinte. Elle représente l’ensemble des périmètres impactés, avec le renfort de spécialistes de la communication de crise. Dans une PME, la cellule sera constituée par le patron et quelques collaborateurs de confiance, le dirigeant centralisant toute la communication interne et externe relative à la crise.

En gestion de crise le mode commando prédomine en interne, alors qu’en externe il reste focalisé sur le service clients et la communication. C’est un exercice d’équilibriste permanent, sans jamais oublier que l’image de l’entreprise et son futur sont l’enjeu principal dans le viseur.

L’équipe de gestion de crise

L’équipe s’attachera à gérer le présent et le futur immédiat, en évitant autant que possible tous les amalgames pouvant aggraver la situation (la chasse aux sorcières n’est pas d’actualité). Toute communication interne ou externe doit être concertée, et validée par l’ensemble de l’équipe. Il vaut mieux faire une réunion de 30 mn chaque jour plutôt qu’une grand-messe mensuelle.

La communication spontanée, épidermique ou surdimensionnée doit être bannie. L’équipe de crise doit inspirer de la gravité, de la sérénité et de la consistance dans ses réactions (écrites et verbales) face à la crise. Cela n’empêche pas, le cas échéant, les actes managériaux qui peuvent envoyer un signal fort positif adressé aux équipes.

3. Prendre les bonnes décisions et maintenir le cap

L’équipe de gestion de crise doit avant toute chose dresser un état des lieux de la situation. Chaque service ou fonction impacté dans une grosse structure ne possède qu’une vision très parcellaire du problème. Dans les PME on a tendance à faire incarner la responsabilité de la crise à une personne, ou à une seule cause identifiée. Mais le problème peut servir de révélateur à des causes plus profondes.

La mise en commun au sein de l’équipe de gestion de crise permettra d’évaluer l’intensité de la crise, pour apporter les bonnes réponses au bon moment, de façon contrôlée. Les décisions prises sont mises en commun dans un plan de gestion de crise, à court terme, qui doit évoluer fréquemment lorsque les événements l’imposent. En situation de crise l’échelle de temps est réduite : l’hebdomadaire et le journalier supplantent le mensuel.

Cas des petites et moyennes structures

Dans les petites et moyennes structures, le management de transition est la solution la plus répandue pour gérer une crise. Un cabinet apportera des garanties à plusieurs niveaux :

  • le recul nécessaire dans une situation de crise (apporté par les associés du cabinet),
  • l’expérience de ce type de contexte par l’intervenant(e),
  • enfin le remplacement ou la montée en puissance d’une fonction-clef quand c’est nécessaire.

Une telle démarche a un coût, mais il est sans commune mesure avec les dégâts d’une crise non gérée.

4. Soigner sa communication interne, remobiliser les équipes

Une crise s’accompagne inévitablement de réactions basées sur des émotions diverses : la peur, la colère, les égos. Il ne faut pas négliger les émotions des collaborateurs, au risque d’aggraver la crise. Un manager de transition dédié saura faire preuve de pragmatisme et d’empathie, tout en maintenant le cap de sa feuille de route. Son statut externe à l’entreprise constitue un véritable atout.

En effet, certains messages peuvent être plus difficiles à faire passer si la légitimité de l’interlocuteur en interne est remise en cause (à tort ou à raison) par les équipes. L’arrivée d’un.e intervenant.e en Management de Transition est la preuve d’une prise en compte de la crise par le niveau de gouvernance requis.

Communiquer à bon escient

La mise en place d’un plan de communication de référence est recommandé. Il permet entre autres de sensibiliser tous les membres de l’équipe de gestion de crise à l’importance de la communication. Celle-ci sera pragmatique, sans détours, claire et avec autant d’éléments factuels que possible. Ceux qui reçoivent cette communication doivent avoir les mêmes éléments de perception que les décideurs. En revanche il faut veiller à ne pas surcommuniquer : utiliser des adjectifs catastrophes pour désigner une situation difficile est inutilement anxiogène, un horizon atteignable à court terme est préférable.

5. Afficher transparence et détermination

Dans la communication de crise, il faut jouer la carte de la transparence. Nier l’existence même de la crise ou de son intensité décrédibilise et fragilise le management. A l’inverse, une sur communication peut avoir un effet négatif. Il faut placer le curseur au juste niveau entre ces 2 extrêmes : le factuel, ce que les salariés ont besoin de savoir pour agir.

Comme évoqué dans le point précédent, il est important de ne pas se perdre dans des messages sans intérêt pour les interlocuteurs. La transparence requise dans une situation de crise ne doit pas supplanter le fond du message. Chaque crise porte une charge émotionnelle importante, et très différente selon les interlocuteurs. La plus grande sobriété s’impose.

6. Montrer son empathie

La détermination, bien qu’essentielle, ne doit pas faire des gestionnaires de crise des tirants inhumains et froids. Rappelons que dans une situation de crise, l’Humain est et restera l’élément vital qui sera porteur de la sortie de crise, ou au contraire de son exacerbation jusqu’à la rupture. Comprendre le stress subi par chacun à son niveau et apporter des réponses appropriées est en principe à la portée de n’importe quel manager.

Les échanges quotidiens ne doivent pas être mis en veilleuse sous prétexte d’emploi du temps surchargé. Les bénéfices à court terme de cet investissement humain décupleront la portée des actions engagées.

7. Se préparer à une course de fond

La profondeur de la crise détermine sa durée. Il est illusoire de penser que toutes les causes seront annihilées en quelques semaines, alors autant se préparer à plusieurs mois d’efforts. A un quotidien chronophage il convient de rajouter la dimension moyen et long terme, sans laquelle une crise n’aura pas de sortie identifiée. Ceci implique une bonne analyse préalable de tous les paramètres de la crise. Il faut jongler en permanence entre les urgences (ce que l’on peut faire), et les objectifs intermédiaires (ce que l’on aimerait faire).

Les personnes impliquées dans la crise doivent, autant que possible, se préserver. Vouloir tout gérer 7/7 et 24/24 n’est pas une option, chaque pilier de la gestion de crise doit prendre la part qu’il peut assumer. Un manager de transition peut accompagner une structure en crise à différentes étapes de son redressement. En général, il intervient au début, en période critique, et passera la main lorsque les fondamentaux seront consolidés.

8. Ecouter son instinct : prendre des risques

En matière de management, par expérience ou par prédisposition personnelle, l’instinct tient une place importante. En situation de crise il est encore plus important de confronter l’instinct, basé sur des paramètres compliqués à exprimer clairement, aux autres facteurs. La cellule de crise est le lieu où les ressentis doivent être exprimés et confrontés aux autres. Tout le monde comprend qu’un manager ne peut pas tout savoir, surtout en période de crise. C’est sa façon d’exprimer ses ressentis qui suscitera une participation franche à la réflexion globale. Au final c’est bien lui qui décide, mais après avoir entendu les avis divergents.

La prise de risque peut paraitre incongrue en période de crise, c’est pourtant un sujet entièrement d’actualité. Certaines opportunités dans le passé ont pu être rejetées par réflexe d’immobilisme. La crise peut parfois changer l’angle de vue des parties prenantes : la structure sera très motivée pour déployer de nouvelles idées issues de la stratégie de sortie de crise. Attention toutefois au grand écart : en dehors des retournements, le changement de métier à 180 degrés n’est pas d’actualité en gestion de crise.

9. Transformer la crise en opportunité

Une gestion de crise pilotée est une véritable opportunité pour renforcer la cohésion des équipes. Apprendre à mieux travailler ensemble, et initier des actions de progrès sur le fond. Vis-à-vis de l’extérieur, c’est une manière d’exprimer la réactivité de l’entreprise, une façon de rappeler au client qu’il est au cœur de ses préoccupations. En d’autres termes, c’est l’occasion de reconstruire de nouvelles bases, à condition d’agir rapidement, avec discernement et mesure. Le danger premier dans la gestion de crise est de ne pas savoir où l’on va, il est fondamental de ne pas se focaliser uniquement sur les changements et la rupture en cours, et de rappeler ce qui ne changera pas pour les collaborateurs.

 

Une gestion de crise efficace évite de paralyser l’entreprise, ce qui n’est jamais exclu dans les pires situations. La crise est une période d’opportunités, qui demande à chacun, à son niveau, de se surpasser. Certains potentiels se révèleront dans cette période charnière, et le sentiment d’appartenance sera renforcé.