Interview d’Olivia COUPPÉ DE KERMADEC, Manager à temps partagé

Interview Olivia COUPPÉ DE KERMADEC, Manager RH à temps partagé - inside Management

« Le temps partagé est une pratique de plus en plus répandue, répondant à la fois à un choix de vie professionnelle qui attire de plus en plus d’actifs, et à une recherche constante de flexibilité maîtrisée pour les entreprises. »

Adrien Jocteur Monrozier : Pouvez-vous vous présenter, et nous présenter le réseau Aparté ?

Olivia Couppé de Kermadec : Je suis consultante Ressources Humaines et référente handicap à temps partagé. J’ai travaillé dans les RH comme salariée pendant une vingtaine d’années et je suis indépendante depuis 4 ans. Le réseau Aparté est né de mon projet personnel d’exercer mon activité en tant qu’indépendante, à temps partagé. J’avais découvert ce modèle de travail 8 ans plus tôt et je mûrissais ce projet depuis un moment. Après avoir rencontré d’autres personnes qui travaillaient sur ce modèle, j’ai décidé de créer un réseau. Ayant auparavant animé un groupe de cadres en transition professionnelle, je suis convaincue de la force collaborative : à plusieurs on va plus loin, et on est plus fort. C’est ainsi qu’est né Aparté en septembre 2017.

Aujourd’hui nous sommes une vingtaine de membres, exerçant sur des métiers tels que RH, communication, marketing, achats, finances, assistanat de direction, information, direction technique, commercial. Notre site web (reseauaparte.com) comporte un annuaire pour trouver facilement des compétences.

Adrien Jocteur Monrozier : Qu’entend-on par temps partagé ?

Olivia Couppé de Kermadec : D’après Wikipedia « l’emploi à temps partagé consiste pour un salarié à travailler pour plusieurs entreprises en ayant un seul contrat de travail avec une structure tierce. Ce mode de recrutement consiste pour une entreprise à embaucher un salarié à temps partiel mis à disposition par des groupements d’employeurs ou des sociétés de travail à temps partagé. » Pour nous qui ne sommes pas salariés de groupements d’employeurs ou de sociétés de travail à temps partagé, mais à notre compte, notre définition est d’exercer notre métier de façon opérationnelle pour plusieurs clients, si possible de façon pérenne (parfois cela ne dure que quelques mois).

Adrien Jocteur Monrozier : Comment vient-on à travailler de cette manière ?

Olivia Couppé de Kermadec : Avant de parler de temps partagé, on parle d’entrepreneuriat. Il s’agit de sortir du schéma classique du salariat en CDI. L’entrepreneur souhaite exercer son métier de façon différente : pour trouver un équilibre vie pro/perso différent, pour choisir ses interlocuteurs, pour sortir du cadre parfois contraignant de l’entreprise, pour ne plus avoir de hiérarchie, pour travailler quelques jours par mois en complément retraite… Les raisons sont multiples. Pour ma part, étant en situation de handicap, j’avais du mal à travailler avec un rythme trop soutenu à temps complet. Après une période de transition professionnelle, j’ai eu du mal à retrouver un travail conforme à mon cahier des charges personnel : pas de déplacement, télétravail, horaires flexibles. C’est comme ça qu’est né mon projet, renforcé par l’envie de ne travailler que sur les parties de mon métier qui m’intéressaient le plus (le développement RH et la mission handicap).

Adrien Jocteur Monrozier : Quels en sont les avantages, mais aussi les contraintes ?

Olivia Couppé de Kermadec : Les avantages pour l’entreprise sont nombreux mais pourraient se résumer ainsi : le client ne paie que ce dont il a besoin. Le temps partagé permet de proposer une expertise au juste temps et au juste coût pour l’entreprise, avec une souplesse d’emploi du temps qui permet de s’adapter à la charge de travail. En outre, l’entreprise n’a pas de charges ni de contraintes réglementaires puisque l’entrepreneur n’est pas salarié. Ce qui est très apprécié des chefs d’entreprise est le fait qu’ils dialoguent avec d’autres entrepreneurs qui comprennent leurs préoccupations.

Le plus difficile est de promouvoir le temps partagé qui reste encore méconnu. Le client peut avoir des questionnements sur la confidentialité, du fait que l’entrepreneur travaille pour plusieurs clients simultanément. Il n’y a pas de règles écrites mais il est préférable de ne pas travailler pour 2 clients du même secteur d’activité simultanément. Nous recommandons de travailler en toute transparence avec nos clients et de faire preuve de loyauté.

Pour l’entrepreneur, ce fonctionnement « multi clients » permet de sécuriser l’avenir. Ainsi la fin d’un contrat ne signifie pas la fin de son activité. C’est aussi une façon d’organiser son temps (par exemple travailler 7 jours/mois), de travailler à son rythme, d’équilibrer sa vie, tout en assurant parfois un salaire plus élevé qu’en étant salarié. Acquérir des compétences chez un client permet d’en faire bénéficier les autres, il y a une véritable capitalisation des connaissances et des pratiques.

Notre mode d’intervention exige d’être flexible, disponible et apte à passer d’un sujet à l’autre dans des environnements différents. Les démarches commerciales sont importantes et ne sont pas toujours naturelles pour ceux qui n’ont pas cette facilité. Le stress du chiffre d’affaires, de trouver de nouveaux clients, de réseauter en permanence exige beaucoup d’énergie et génère un ascenseur émotionnel qu’il faut savoir gérer.

Adrien Jocteur Monrozier : Quelles entreprises font appel au temps partagé ? Pour quelles raisons ?

Olivia Couppé de Kermadec : Le temps partagé attire de plus en plus d’entreprises qui souhaitent bénéficier de compétences confirmées tout en optimisant leur budget. Face à un développement d’activité, une réorganisation, une réflexion stratégique ou toute autre problématique, la solution n’est pas toujours dans les équipes existantes. Créer un poste relève parfois de la gageure dans un contexte économique tendu. Le dirigeant peut s’appuyer sur une ressource experte qui deviendra un collaborateur à part entière, pendant son temps de présence partielle. Par exemple, une TPE/PME aura besoin d’une assistante de direction, d’un RH ou d’un commercial ; une entreprise plus importante souhaitera renforcer ses équipes existantes, pendant une période donnée (mise en place d’un projet sur un an par exemple) ou mettre en place un relais local.

Adrien Jocteur Monrozier : Quels conseils donneriez-vous aux personnes souhaitant travailler en temps partagé, comment se renseigner ?

Olivia Couppé de Kermadec : Voici ce que je réponds dans un article intitulé « Comment travailler à temps partagé ? » :

Se lancer dans une activité à temps partagé est une aventure entrepreneuriale. Avant de se lancer, il y a plusieurs questions à se poser (non exhaustives) :

  • Quelles sont mes attentes/freins en travaillant à temps partagé ?
  • Ai-je la fibre commerciale ? (Et est-ce nécessaire de l’avoir ?)
  • Quelles sont mes compétences-clés ?
  • Quelle est mon offre ? A qui s’adresse-t-elle ? Qui sont mes concurrents ?
  • Suis-je fait(e) pour travailler de façon indépendante ? Suis-je assez organisé(e) ?
  • Quel statut juridique est le plus adapté à ma situation ?
  • Quel est mon plan d’action ?

 

Notre premier client est parfois notre dernier employeur, qui en parlera à un autre client, etc… Mais quand le 1 er contrat s’arrête, on se retrouve un peu démuni pour lancer une prospection commerciale. Pour éviter ce piège, il faut réseauter en permanence. Le temps initial d’introspection et de réflexion est indispensable dans la quête du Graal (le prochain client, donc).

Pour cela, on peut se faire accompagner lors du lancement de l’activité. On peut aussi rejoindre des réseaux d’entrepreneurs tels qu’Aparté où l’on échange sur nos bonnes pratiques et nos interrogations. Certains cabinets de Management de Transition sont sensibilisés au temps partagé (et en recherche de profils), ce sont des partenaires précieux dans la démarche.